19 avril 2006

Dignité et survie des sans-abri

Une question épineuse que je me pose depuis des années est celle de l'aide sociale (celle qui vise à venir en aide aux défavorisés) :

Est-il possible de permettre aux gens dans le besoin d'avoir de quoi vivre, par respect et dignité humaine, mais sans pour autant leur ôter la nécessité, cet état de besoin non-comblé qui stimule les gens à être créatifs pour se sortir du pétrin?

Je lisais ce matin un article dans le Métro (le journal) au sujet des sans-abri en France. Médecins du monde fourni depuis cet hivers des tentes aux gens sans domicile fixe de la ville de Paris. Cette initiative, au début une mesure de sensibilisation au problème, a été bien accueillie par les principaux intéressés qui ont maintenant des abris et davantage d'intimité. Depuis novembre 2005, douze d'entre eux sont morts de froid et trois ont été brûlés vifs en tentant de se réchauffer. Selon le journal, près de 100 000 français n'auraient pas de logement. Ce nombre est d'environ 20 000 itinérants au Québec selon le FRAPRU.

D'un autre côté je me rappelle des Bougons, cette série culte diffusée au Québec qui traitait du sujet tabou des assistés-sociaux malhonnêtes qui exploitent le système. J'ai aussi en tête des critiques venant de la part de certains travailleurs (plutôt à droite) qui montraient un haut niveau d'intolérance face aux « B.S. » (abréviation de Bien-être Social), principalement ceux qui vivent mieux en tant que sans-emploi que certains travailleurs à statut précaire le font.

Entre ces critiques plus ou moins légitimes et le problème de fond, il doit y avoir une solution applicable, mais laquelle? Premièrement, selon moi, les mesures qui visent à venir en aide aux gens dans le besoin ne ciblent pas assez les problèmes et laissent trop de marge à l'abus (autant volontaire que déterminé). Un assisté social souffrant d'alcoolisme sévère est libre de sacrifier l'argent de ses repas au profit de sa dépendance, et aucun mécanisme ne semble l'en empêcher, ce qui n'a pas lieu d'être. Un système de « carte de statu d'assisté social » pourrait être une solution alternative. Mais jusqu'où peut-on (et surtout doit-on) contrôler la vie des défavorisés? Est-ce que l'état devrait avoir un droit de regard absolu sur la manière dont les assistés sociaux dépensent l'aide gouvernementale?

D'un autre côté, même si l'on comble les besoins d'une personne de manière adéquate en ne laissant place qu'à peu ou pas d'à-côtés, est-ce que cela va stimuler la personne à se sortir de ses problèmes? Car il n'est pas idéal de rester toujours au crochet de quelqu'un d'autre pour vivre, et même si certains ne se soucient pas de leur indépendance financière, est-ce juste pour ceux qui oeuvrent à assurer autant la leur que celle des autres? Certains vont vouloir plus de services que le minimum et vont tenter de retourner sur le marché du travail, mais pour les autres, que se passera-t-il? Vont-il continuer à vivre précairement, comme s'ils avaient abandonné l'idée d'une vie plus heureuse?

Pour combattre ce problème, une option envisageable serait d'avoir un système de travaux publics employant les gens défavorisés et fournissant logis et nourriture. Une telle mesure assurerait à l'état une force de travail autofinancée qui en échange permettrait au bénéficiaire d'obtenir l'instruction dans un métier en même temps qu'une éducation citoyenne. Je ne sais pas si pareille solution a déjà été envisagée ailleurs dans le monde, mais j'y voie une manière pour sortir des gens de la misère. En se réhabituant au travail, les participants acquerraient une meilleure estime d'eux mêmes, ce qui pourrait leur permettre de briser le cercle vicieux soit de la pauvreté, soit de l'itinérance.

C'est une question à suivre...